Ce matin, j’emmenais Alice à l’école maternelle. À deux mètres devant nous, marchaient une mère et sa fille. Une bouteille d’eau, heureusement vide, s’est écrasée à quelques centimètres d’elles. En levant les yeux, nous avons regardé fenêtres et balcons. Vu la distance à laquelle elles se tenaient des immeubles, l’hypothèse d’une simple chute ne tenait pas. La mère devant moi portait un voile. C’était un acte raciste sans aucun doute possible.
Après quelques secondes d’incompréhension, nous avons continué notre chemin tous les quatre. Notre premier réflexe fut d’essayer de faire rire les deux petites filles. Si nous avons réussi à faire rire, les deux enfants n’étaient pas dupes. Quand on est en maternelle, on n’exprime pas toujours parfaitement ce qu’il se passe. Mais on ressent les choses.
À l’école, Alice n’a pas voulu quitter mes bras. Elle, qui habituellement me dit à peine au revoir, est restée collée à moi vingt minutes. Sans rien dire. Triste. Quand je suis parti, pour rejoindre mon travail, je l’ai laissée, un peu sonnée, allongée sur le petit canapé de sa classe.
Jusque-là, nous avions réussi à protéger notre fille de trois ans des attentats du 13 novembre. Le vrai choc sera donc arrivé par un acte raciste, moins d’une semaine après les attentats. Une bouteille en plastique jetée d’un balcon, un geste de lâcheté, aura suffit pour lui donner un aperçu de la haine et de la peur. Si on jette une bouteille sur cette autre petite fille et sa maman, comme elle, de la même école, pourquoi pas sur elle ?